La Marque de la Bête

Publié le par Remy Francis

 

 

P

 

endant des siècles, les chrétiens ont spéculé sur la signification de " la marque de la bête " et le nombre 666, tous deux mentionnés dans Apocalypse, au chapitre 13. On nous y dit qu'une bête symbolique ayant deux cornes et parlant comme un dragon, " obligea tous les hommes, gens du peuple et grands personnages, riches et pauvres, hommes libres et esclaves, à se faire marquer d'un signe sur la main droite ou sur le front " (13:16). Quelle est cette étrange " marque " ?

La Marque de la Bête

Le mot grec traduit par " marque " est charagma. C'est le terme technique désignant l'étampe impériale romaine qui apparaissait sur divers documents. Le charagma était un sceau étampé avec le nom et la date de l'empereur et attaché aux documents commerciaux. Apparemment, il s'appliquait aussi à la tête de l'empereur frappée sur la monnaie. Ainsi donc, le charagma représentait le portrait ou le nom de l'empereur.

Le charagma était également une empreinte. Du temps des Romains, les esclaves désobéissants étaient souvent marqués d'une empreinte, un peu comme le bétail aujourd'hui. Le tatouage religieux était aussi très répandu. Les soldats avaient pour coutume de se marquer du nom d'un de leurs généraux favoris. Les dévôts à un dieu portaient un tatouage désignant leur loyale dévotion.

Cependant, nous devons être prudents en considérant quelqu'ancienne pratique de " marquage " que ce soit et penser que c'est ce qui va être utilisé dans le futur. Jean écrivait à de réelles personnes de l'église du premier siècle, pas à quelque église du " temps de la fin ", et son message s'adressait à elles. Quelle que soit la " marque ", elle transmettait quelque chose que ces personnes-là pouvaient comprendre.

Quel point Jean essayait-il de faire comprendre, alors, quand il parlait d'une " marque " ? La marque ne signifie probablement pas quelque chose de visible à l'œil comme , par exemple, la pratique nazie de tatouer des chiffres sur les détenus des camps de concentration. Comme nous ne devrions pas prendre pour acquis que ce soit une carte d'identité d'un genre quelconque, comme celle de la sécurité sociale ou une carte de crédit.

De manière plus vraisemblable, la marque doit être considérée comme un symbole. C'est ce qui identifie ceux qui appartiennent à la bête - ou à Dieu. Il existe un parallèle de l'Ancien Testament dans Ézéchiel sur lequel se base Apocalypse. Ézéchiel vit un homme portant une écritoire à sa ceinture. Il entendit le Seigneur dire à l'homme : " Passe au milieu de la ville de Jérusalem et marque d'une croix sur le front les hommes qui gémissent et se plaignent à cause de toutes les pratiques abominables qui se commettent dans cette ville " (Ézéchiel 9:4). Voici des gens qui sont " marqués " pour leur protection.

D'une manière semblable, Israël a été " marqué " par le sang appliqué aux linteaux des portes. À la veille de l'Exode, l'ange de la mort survola l'Égypte, tuant les premiers-nés. Il passa par-dessus toutes les portes marquées avec le sang (Exode 12:21-23). Cette marque n'était évidemment qu'un symbole, car l'ange eut été parfaitement capable de faire la distinction entre les Israélites et les Égyptiens.

Plus tôt, dans Apocalypse, nous voyons 144 000 serviteurs de Dieu qui furent marqués d'un sceau sur leur front, " le sceau [sphragis] du Dieu vivant " (7:2). Ils devaient également être protégés des fléaux de la trompette qui dévasteraient la terre (7:3). Ceux qui n'avaient pas le sceau n'eurent pas la protection (9:4).

La " marque de la bête " est ainsi une parodie du sceau du peuple fidèle de Dieu. La bête essayera d'identifier et de protéger les siens (et détruire ses ennemis) même si Dieu connaît et protège ceux qui sont son peuple.

Comment la bête saura-t-elle qui sont les siens ? C'est très simple : ce sont tous ceux qui sont prêts à l'adorer, elle et son image. En dernière analyse, leur culte est la marque par laquelle ils sont identifiés ! Ceux qui refusent de l'adorer seront exposés au grand jour par leur refus d'exécuter cet acte d'obéissance idolâtre. Leur loyauté inébranlable à Dieu, toutefois, sera la preuve qu'ils portent le sceau de Dieu. La " marque " de la bête n'est pas un écrit visible, tout comme le " sceau " des serviteurs de Dieu n'est pas fait par écrit. C'est l'attitude de la personne qui indique où est son allégeance.

Évidemment, le refus d'adorer la bête entraînera de graves conséquences personnelles et économiques pour le peuple scellé de Dieu. Parce que " personne ne pouvait acheter ou vendre sans porter ce signe " (13:17). Ceux qui n'adoreront pas la bête se verront interdire de participer à la vie économique de la communauté.

Le faux système politique et religieux exercera un étroit contrôle économique sur ceux qu'il dominera. Personne n'est exempt de cette rude répression économique. Que ce soient les petits, les grands, les riches, les pauvres, les libres ou les esclaves... tous devront s'y soumettre (13:16-17). Les individus qui refuseront de servir la bête se verront défendre d'effectuer la moindre des transactions économiques. Cela a toujours été un des moyens favoris des autorités et des gouvernements pour évincer les indésirables du système. Ils ne leurs permettent pas de participer aux bénéfices économiques d'une façon ou d'une autre.

Cela signifie qu'ils ne pourront acheter de nourriture, avoir un lieu de refuge, des vêtements ou recevoir des soins médicaux. Cela sous-entend la malnutrition, l'exposition au froid et à la chaleur, et la mort pour ceux qui n'ont pas la marque de la bête.

" Le nombre est 666 "

L'Apocalypse nous donne maintenant sa définition de la marque de la bête. " Soit le nom de la bête, soit le nombre correspondant à son nom " (13:17). Ce chiffre " représente le nom d'un homme ", et c'est 666 (13:18). La plupart des tentatives pour interpréter le chiffre 666 commence par le fait que, dans les temps anciens, les lettres étaient habituellement utilisées pour servir de nombres. Un morceau de graffiti trouvé à Pompéï est souvent employé comme exemple de ce que l'on pouvait utiliser les lettres comme nombres. On lit sur ce morceau : " J'aime la fille dont le nom est phi mu epsilon. "

Certains anciens écrits apocalyptiques font exactement comme Apocalypse 13. Ils se réfèrent à des gens, dans un cas précis une succession d'anciens empereurs, en mentionnant le nombre de la première lettre de chacun de leurs noms (Oracles sibyllins 5:12-42).

Il y a beaucoup de précédents dans la littérature ancienne où l'on se réfère à quelqu'un par le nombre de son nom. Ce n'est pas une singularité excentrique d'Apocalypse, comme nous pourrions l'imaginer. Le point est que les lecteurs originaux de Jean savaient à qui il faisait allusion ou ce qu'il entendait par le nombre 666.

Ceux qui pressentent que " 666 " se réfère à un individu vivant à l'époque de Jean optent communément pour César Néron comme solution du puzzle. Nous devons cependant faire attention sur un point. Si Apocalypse se réfère à Néron par le nombre 666, ce ne peut être dans un sens littéral, mais seulement en tant que type de la bête.

Néron a persécuté l'église et a utilisé les chrétiens comme boucs émissaires. Donc, il peut avoir été un symbole - un type - de la bête de quelque âge que ce soit. Les auditeurs et lecteurs de Jean, connaissant Néron et le mythe l'entourant disant qu'il était encore vivant ou ressuscité, ont dû saisir le point amené. Dans la pensée de l'érudit biblique M. Eugene Borings, Jean aurait pu dire de la bête : " Faites attention ! Ça va encore être Néron ! "

Nous faisons probablement trop de cas de l'utilisation du " 666 " par Jean, précisément parce que nous sommes trop loin de l'époque de ses lecteurs-auditeurs originaux. Peu importe à qui cela se référait - Néron ou un autre - nous ne devons pas prendre pour acquis que Jean posait une énigme à son auditoire, soit les sept églises pour qui le livre avait été écrit. Si Jean se référait à un individu contemporain - même un type - son auditoire devait le connaître. Donc, ils devaient savoir quelles lettres composaient son nom, ainsi que leurs équivalents numériques. Ils n'avaient pas besoin d'indices spéciaux pour déchiffrer le nombre. Pourtant, dit Apocalypse, comprendre la signification de " 666 " demande de la sagesse (13:18).

De la sagesse pour comprendre quoi, exactement ? Eh bien, la signification du nom ou du nombre. Selon les paroles d'Eugene Borings : " Lorsque l'Apocalypse était lue devant l'assemblée de culte des églises d'Asie, l'appel à la sagesse pour calculer le nombre de la bête (13:18) ne constituait pas un grand défi pour identifier qui était la bête, l'autorité persécutrice - on le savait déjà très bien - mais plutôt ce qu'elle était, c'est-à-dire, qu'elle était la bête revêtue du pouvoir de Satan, pas le sauveur culturel qu'elle prétendait être " (Interprétation : Commentaire biblique pour l'enseignement et la prédication, " Apocalypse " p. 162).

Si Jean se réfère à Néron, ou tout autre empereur, c'est alors un type de la bête. S'il voulait signifier quelque politicien local (ou bureaucrate religieux) d'Asie, alors son nom s'est probablement perdu dans l'antiquité.

Plusieurs commentateurs disent que le nombre n'identifie pas du tout un individu particulier. C'est-à-dire que le nombre a une signification par lui-même. " Selon ce point de vue, " dit Robert W. Wall, " le nombre 666 cryptographique n'atteint pas le nombre 777, lequel symbolise la perfection divine " (Nouveau commentaire biblique international, " Apocalypse ", p. 174). En bref, la bête ou l'Antéchrist ne peut se mesurer à la perfection de Christ, même s'il le clame. Un énoncé de Jean rend cette idée crédible. Il dit que " 666 " est un nombre d'homme (13:18). L'homme, toutefois, est déchu, pécheur et incomplet. D'un autre côté, sept est le chiffre de la complétion - et se réfère à Dieu et son œuvre. Les sept jours de la création de Genèse 1 en sont un exemple. Si la signification de " 666 " se trouve dans le nombre lui-même, alors la question est claire : la bête n'est rien d'autre qu'un gouvernement humain sous contrôle démoniaque. Dans ce sens-là, la " bête " a toujours été parmi nous et on peut la voir à l'œuvre au travers des âges. Naturellement, au point culminant de la civilisation humaine, lorsque Jésus reviendra, nous devons nous attendre à voir surgir l'épitomé ou l'incarnation de cette " bête ".

 

Publié dans Enseignement

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article